[Article paru dans Paris-Normandie le 10/06/2015]
Convaincus de leur bon droit, il leur est néanmoins impossible d’anticiper le côté vers lequel penchera la balance de la justice. Pour autant, au terme d’une année de tensions, obtenir une audience résonne comme une première victoire pour ces cinq salariés de l’Ahaps.
« On le fait au frais de compromis, mais l’essentiel demeure que les gens sachent, et que la responsabilité de l’association soit mise en cause. Ce n’est pas parce qu’on travaille dans le social que l’on doit s’accommoder avec le droit comme cela s’est, semble-t-il, déroulé à la Croix-Rouge (N.D.L.R. : en début de semaine, un rapport de l’Inspection du travail l’épinglait à propos d’importants dépassements de temps de travail) », reprennent de concert Blaise Philippe, l’un des ex-éducateurs, et Philippe Lebourg pour le compte du syndicat SHAS-CGT.
Licenciements économiques
À l’été 2013, dix-sept salariés de l’association havraise d’action et de promotion sociale se voyaient notifier leur licenciement économique afin de reporter sur la masse salariale de la structure les coupes budgétaires (50 %) votées par le Département. Si en octobre de la même année cinq d’entre eux, décidés à ester en justice, avaient bon espoir de dénoncer rapidement le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) auprès du conseil des prud’hommes du Havre, les éducateurs ont dû déchanter tout aussi prestement.
Persuadés de défendre leurs droits devant l’institution consulaire en septembre 2014, ce n’est finalement que le 18 septembre prochain qu’ils pourront le faire… à Caen.
Un délai et un dépaysement que les plaignants acceptent tout de même difficilement. Celui-ci avait tout d’abord été demandé par l’association, prétextant que son directeur général, Philippe Lemeignent, ne pouvait être juge et partie. Le dirigeant de l’association se trouvant être également conseiller prud’homal du collège employeur, section activités diverses.
« Si le conseil nous avait bien confirmé que rien n’empêchait que l’audience se déroule au Havre, l’association faisait néanmoins appel. Le 20 avril, l’arrêt de la cour d’appel nous apprenait que l’audience se déroulerait finalement à Caen », précise Me Nicolas Capron, l’avocat de l’association. « Cela fait un an et demi qu’une pièce n’a pas été versée au dossier par l’association. J’attends toujours les contre-arguments. Au vu des frais, il n’était pas question d’aller en cassation pour empêcher le dépaysement. »
Pourront alors être abordées les mesures de reclassement adoptées par l’employeur, ainsi que la réalité des difficultés économiques justifiant les licenciements. Car, sans surprise pour les ex-salariés se portant en justice, ces derniers ne sont pas fondés. « Nous ne pouvons que contester les difficultés de l’association. Elles n’étaient que conjoncturelles et non pas structurelles. L’association pouvait parfaitement faire face à la décision du conseil général», insiste Julien Soreau, l’un d’entre eux, qui a depuis retrouvé un emploi de chargé de mission.
Une réserve foncière
Les salariés apportent pour élément de preuve la réserve foncière et financière de l’Ahaps, ainsi que ses projets de développement alors en cours. « Au moment de nous licencier, l’Ahaps fusionnait avec le Cobase, puis avec l’association du foyer féminin. Depuis, elle négocie pour faire de même avec l’association de Thiétreville afin de créer un ensemble de plus de 250 salariés. La méthode de ‘’ dégraissage préfusion’’ est typique du monde de l’entreprise. Peut-on l’accepter dans l’association d’action sociale ? »
CHRISTOPHE FREBOU