Le Front Polisario a déposé une plainte contre X, pour discrimination économique à l’encontre du peuple sahraoui et tromperie, devant le procureur de la République du Havre, vendredi 20 janvier. La plainte vise la cargaison d’un navire attendu dans le port de Fécamp, le Key Bay. Ce vraquier, qui navigue sous pavillon gibraltarien, a été chargé en huiles de poisson dans le port d’El-Ayoun au Sahara occidental il y a plusieurs jours. La cargaison semble destinée à être utilisée dans la confection de produits cosmétiques. Une partie doit être exploitée à Fécamp tandis que l’autre sera transportée par camion vers d’autres destinations en Europe. Le bateau a été contrôlé le 8 janvier par les douaniers espagnols à Las Palmas avant d’avoir été autorisé à reprendre sa route vers le port normand où il devait décharger ses marchandises ce vendredi sans que son arrivée n’ait été confirmée.
Le Front Polisario s’oppose à l’occupation du Sahara occidental par le Maroc depuis 1975. Il revendique la souveraineté sur ce territoire au nom du peuple sahraoui. Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est toujours inscrit sur la liste onusienne des territoires à décoloniser. Rabat administre 80 % de la zone revendiquée par le Front Polisario mais n’a jamais vu sa souveraineté reconnue par la communauté internationale.
Le Maroc a-t-il violé la jurisprudence européenne ?
À défaut de contrôler ce qu’il estime relever de son territoire, le Front Polisario s’est engagé sur le terrain judiciaire contre le Maroc pour empêcher l’exploitation de ses ressources naturelles. Il a contesté devant la Cour de justice de l’Union européenne un accord de libre-échange conclu en 2012 entre Bruxelles et Rabat.
Le Front Polisario a obtenu gain de cause en première instance et la nullité juridique de l’accord UE-Maroc avant d’être débouté en appel, le 21 décembre dernier, par la même cour qui a estimé que l’accord ne pouvait être annulé puisqu’il ne s’appliquait pas au territoire contesté.
Cette décision est majeure puisqu’elle revient à reconnaître que le Maroc n’est pas souverain sur le Sahara occidental. Problème, Rabat semble poursuivre l’exportation vers l’Europe de produits fabriqués dans la région en leur attribuant une origine marocaine, ce qui pourrait constituer une infraction pénale. « Une nouvelle étape a été franchie avec la décision de la cour », estime Maître Nicolas Capron, relais havrais de l’avocat du Front Polisario et qui a déposé la plainte. « Les documents officiels marocains ne peuvent pas être valables pour les produits fabriqués au Sahara occidental conformément à la décision européenne », a-t-il rappelé. Il appartient désormais au procureur de la République du Havre, de déterminer si une infraction a pu être commise au regard des éléments d’alerte transmis par le Front Polisario et, si nécessaire, d’engager des investigations complémentaires sur l’origine des huiles concernées. Nul doute que la saisine de la justice sur cette question pourrait comporter son lot d’implications diplomatiques, tant le sujet est sensible pour Rabat.