[Paru dans Paris-Normandie le 16/11/2014]
Travail. Le mal du siècle ? Difficile de chiffrer les dégâts d’une maladie qui n’est pas reconnue. Mais le burn out menacerait au moins un salarié sur dix. En Haute-Normandie aussi, même si un certain fatalisme sur les conditions de travrail semble progresser.
Vidé. Tétanisé. Cramé… Chez toutes les victimes d’un burn out, les mêmes mots reviennent. Elle n’est pas officiellement reconnue, mais cette maladie, qu’on appelle aussi épuisement professionnel, menacerait en France près de 13 % de la population active.
Elle touche les cadres en premier lieu et toutes les professions de contact : commerciaux, services clientèle, personnel soignant, grande distribution, etc. Le burn out survient quand on est exposé trop longtemps à un stress professionnel consécutif à des conditions de travail qui se détériorent.
En Haute-Normandie, l’Aract (Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail) s’est penchée sur les conditions de travail et le ressenti des salariés (voir ci-dessous). Son enquête met en avant ce paradoxe : « À l’inverse de la tendance nationale, les salariés haut-normands s’estiment en 2013 moins stressés au travail qu’en 2010, assure la chargée de mission Bénédicte Sidoli. Alors que leur temps de travail s’allonge et qu’ils doivent travailler plus vite ».
L’Aract y voit peut-être un effet de la crise : « La satisfaction des salariés viendrait-elle du simple fait d’avoir un travail plutôt que d’être au chômage ? ». Autre hypothèse, « celle d’une intégration progressive des contraintes (rythme, intensité du travail, contact avec le public…) ».
La Haute-Normandie serait-elle plus ou moins épargnée par le phénomène ? En l’absence d’une reconnaissance officielle de la maladie, il reste bien difficile de chiffrer l’ampleur du phénomène. D’autant qu’on observe des particularités dans certaines branches professionnelles qui souffrent plus que d’autres.
Une enquête menée en Haute-Normandie par l’Ordre des médecins, 23 % des médecins se disent épuisés sur le plan psychique. « La sous-traitance, plutôt développée dans la région, est aussi un facteur de stress, ajoute Bénédicte Sidoli, avec des dirigeants de petites entreprises qui n’ont plus la main sur leur activité ».
À Rouen, l’avocat Nicolas Capron mesure tous les jours l’ampleur des dégâts causés par l’épuisement professionnel.« De plus en plus de personnes victimes d’un burn out poussent la porte de mon cabinet », observe-t-il. Cadres dans des grosses boîtes, ils sont d’abord arrêtés, déclarés inaptes et enfin licenciés ». Son travail consiste alors à contester le licenciement, « car il résulte de l’inaptitude, et à l’origine de l’inaptitude, il y a bien un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité ».
Cette fois encore, bien difficile de chiffrer le phénomène : « Les cadres ont souvent un sentiment de loyauté envers leur entreprise, relève Nicolas Capron. Ce ne sont pas les premiers à aller contester la politique de leur patron ».
Pourtant, des solutions existent. « C’est l’environnement du travail (le climat dans l’entreprise, le mode de management, les moyens dont disposent les salariés), plus que sa nature, qui pose problème, assure Bénédicte Sidoli à l’Aract. « La plupart du temps, les solutions à mettre en place ne coûtent rien ».