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Un avocat rouennais s’oppose à la réforme du code du travail

Avec Maitre Karim Berbra, c'est l'ensemble du cabinet Baudeu et Associés qui prend position face aux ordonnances du gouvernement

Karim Berbra est associé au cabinet Baudeu & Associés, à Rouen. Spécialisé dans la défense des droits des salariés, il participera à la manifestation national du 12 septembre. Pour dénoncer « le déséquilibre » entre employeurs et employés permis par les ordonnances.

[Article paru sur FRANCE3 le 08/09/2017]

Karim Berbra est avocat du barreau de Rouen depuis 2010. Son domaine : le droit du travail, notamment autour des questions de santé et de sécurité professionnelle. « Je viens d’étudier de plus près les ordonnances, c’est vraiment inquiétant… », glisse-t-il en entrant dans son bureau, rue Jeanne d’Arc. Le cabinet dispense des formations à ses clients pour les aider à mieux comprendre le code du travail. Une gageure quand les réformes s’enchainent, et la dernière en date atteint, pour Karim Berbra, un point de rupture : « la relation au travail est déséquilibré ». Mardi 12 septembre, il manifestera à Rouen auprès des organisations syndicales.

Pourquoi avez-vous décidé de vous positionner publiquement contre la réforme du code du travail ?

« D’abord parce qu’en tant qu’avocat, je me dédie exclusivement à la défense du droit du travail, des délégués du personnel et des salariés. C’est notre cœur de métier. On est engagé auprès de salariés impactés par des licenciements, des PSE [plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr], des questions de santé et de sécurité au travail. Mais surtout, je suis un citoyen. Et nous avons tous des proches qui ont un jour été dans la panade et qu’il faut aider, cela va au-delà du rôle de l’avocat. Je suis contre cette réforme parce qu’elle constitue une régression du droit du travail en devenir. »

En quoi ces ordonnances constituent-elles une régression ?

« Je vois ces ordonnances comme un bouleversement de nature juridique. Historiquement, le premier rôle du code du travail est de rétablir un équilibre dans la relation employeur et employé, relation par nature inégale. En posant l’accord d’entreprise, puis de branche, avant la loi en tant que référence juridique, la réforme inverse la hiérarchie des normes. Les licenciements sont facilités, et les pratiques des employeurs que l’on peut contester aujourd’hui seront consacrées dans le code du travail. Par ailleurs, l’affaiblissement du contre-pouvoir que constitue le syndicat dans l’entreprise, dans le sens où la protection des délégués du personnel leur permet de monter au créneau plus facilement en étant élus des salariés, accentue ce déséquilibre.

Macron a toujours vu le droit du travail comme un frein à l’embauche, alors qu’une étude de l’INSEE montrait récemment le contraire. Il faudrait mieux faciliter l’embauche plutôt que le licenciement ! Pour reprendre la formule du président pendant la campagne, c’est de la poudre de perlimpinpin. Les ordonnances ne serviront qu’à sécuriser l’employeur ».

Les Prud’Hommes, moins utilisés par les employés ces deux dernières années, sont au cœur de cette réforme. Comment vont-ils évoluer ?

« Tout est fait pour dissuader l’employé de faire appel au jugement des Prud’Hommes. Le temps de prescription diminue encore, et il ne restera qu’un an pour contester une procédure de licenciement. Alors que c’est très long, de constituer un dossier ! On a besoin parfois besoin de collecter des attestations et documents auprès d’anciens collègues par exemple. Si j’ai un client en profonde dépression, une année ne suffira pas à ce qu’il se soigne et envisage une procédure au Prud’Homme. De plus, l’indexation des indemnités est un manque de confiance envers les juges, et va à l’encontre du principe fondamental de réparation intégrale du préjudice subit. »

Vous notez un paradoxe entre l’allongement du temps de travail et la fusion des instances représentatives dans certaines entreprises. Quel est-il ?

« Avec les ordonnances, le « conseil social et économique » rassemblera le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT. La santé et les conditions de travail vont donc être des questions invisibles, peu abordées après les débats d’ordres économiques et politiques, toujours plus importants dans l’entreprise. Paradoxalement, on demande aux salariés un allongement du temps de travail, notamment pour le départ à la retraite, mais on donne moins de moyen à la protection de leur santé ! Alors même que les salariés ne se rendent pas forcément compte des troubles physiques, psychiques vécus au quotidien. »

Au-delà de votre opposition à cette réforme, dans quelle direction faudrait-il aller pour mieux protéger les salariés ?

« Je ne suis pas législateur, je n’ai pas été élu et ce n’est pas mon rôle de trouver des solutions. On dit souvent qu’il est très facile de critiquer mais difficile d’établir… Une réforme est nécessaire, mais il faut faire beaucoup plus confiance aux salariés, et réussir à instaurer un véritable dialogue social dans l’entreprise. Il arrive qu’on aille en justice parce qu’un délégué CHSCT [Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail, ndlr] porte plainte contre son employeur pour pouvoir simplement lever la main en réunion et prendre la parole. Aujourd’hui, l’état se désengage du monde du travail en privilégiant les accords de branche et d’entreprise, et cela ne va pas dans le sens d’une protection des salariés ».

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